Un cygne blessé à la clinique

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L’avis éclairé de notre vétérinaire, le Dr CUVEILLIER : décidément la vie des cygnes du lac n’est pas de tout repos. Depuis plusieurs années leur population diminue régulièrement. En cause la conjonction de plusieurs phénomènes en grande partie liés aux activités humaines.
La pression démographique de la population et l’augmentation des activités au bord et dans le lac (baignade, nautisme) ont largement perturbé la vie de ces palmipèdes qui trouvent ainsi moins d’endroit pour nicher, sont plus souvent dérangés lors de la période de reproduction.
Plus récemment, à la suite de la sècheresse de l’été 2018, la « pureté » du lac a modifié de façon indirecte le mode de vie de ces oiseaux. En effet, les cygnes sont des oiseaux aquatiques omnivores à prédominance herbivore. Ils se nourrissent principalement de plantes aquatiques (algue verte, saule…) qu’ils trouvent dans l’eau. Accessoirement ils se nourrissent également de différentes graminées qu’ils vont chercher sur les berges des étangs ou des lacs. Occasionnellement, l’oiseau se nourrit de petits animaux (amphibiens, mollusques, insectes).
La modification de l’eau du lac a conduit à une raréfaction des aliments présents dans l’eau et notamment à la raréfaction des algues. Cette modification a poussé les animaux à rechercher de l’aliment plus loin sur les berges. Les oiseaux se mettent donc à pâturer sur les pelouses dont la composition en graminées résistantes au piétinement* (ray-grass anglais, fétuques rouges, fétuques élevées) est bien plus élevée que sur les espaces herbeux naturels.
Cette modification de l’environnement a une double conséquence. D’une part, les oiseaux ont du mal à ingérer l’herbe qui s’accumule sous la langue jusqu’à créer une sorte de poche réduisant la capacité des oiseaux à déglutir. Ils maigrissent progressivement et deviennent plus faibles. Une observation fine permet de détecter ce « goitre » sublingual sur la plupart des cygnes qui évoluent sur le Paquier et l’Albigny et les plages de Sevrier et Saint Jorioz. D’autre part, la faim pousse les oiseaux à s’éloigner de l’eau et à passer plus de temps sur les pelouses. Ils sont donc soumis à plus de dangers notamment la circulation automobile, et surtout les attaques de chiens domestiques et de renards, qui ont été largement observées ces 3 dernières années.
Les virus type influenza aviaires (comme celui de la grippe aviaire hypervirulente) sont également une cause potentielle de la mortalité chez des cygnes déjà affaiblis.
Aujourd’hui, pour la 5ème fois en deux mois, un cygne est conduit à la clinique pour morsures multiples infligées ce matin par un chien divagant sur le Paquier. De multiples perforations sont observées sur le dos et sont pronostic vital est réservé. Nous prodiguons actuellement les premiers soins avant son transfert vers un centre de sauvegarde.
Un cygne bleessé à la clinique Nac et Compagnie
Un évènement de plus qui nous conduit à nous inquiéter pour la pérennité de cette espèce dans le lac d’Annecy dont il est le symbole. Une meilleure prise en compte de la biodiversité du lac, une complémentation alimentaire des cygnes et bien-sûr une sensibilisation du public à la protection des ces espèces sont des pistes de solutions à étudier.
*La résistance au piétinement est liée à la robustesse de la plante, à son nombre de tiges issues de la base de la plante (talles) et pour certaines du réseau de racines ou de tiges souterraines qu’elles sont capables de développer dans le sol.
Dr Vétérinaire Cuveillier Jean-François
Clinique vétérinaire Nac et Compagnie, Sillingy

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